Si les datacenters venaient à s’éteindre, l’essentiel de ce qui constitue la vie moderne s’arrêterait ou serait profondément perturbé. Dans les cas les plus graves, le désordre s’installerait. La productivité et les marchés boursiers s'effondreraient. Les données vitales seraient perdues ou inaccessibles. Les e-mails ne seraient plus transmis. Sur un plan plus trivial, la criminalité ne connaîtrait plus de limites. Les confinements se poursuivaient encore plus longtemps que maintenant. Travailler à domicile deviendrait extrêmement laborieux.
Il est difficile d’ignorer l’importance des datacenters pour notre infrastructure nationale. Pourtant, malgré cela, pendant une grande partie des deux dernières décennies, le secteur des datacenters a été relativement peu considéré par la plupart des investisseurs. Le secteur avait la réputation d’être solide mais peu attrayant. (C’est injuste, je sais.)
Heureusement, cela a commencé à changer. Le secteur des datacenters − répondant à une demande apparemment insatiable des entreprises et des consommateurs en données cloud et diffusées en continu − semble de plus en plus suivre la tendance générale en termes d’investissements. Les vastes datacenters « hyperscale » continuent de croître afin de répondre à la demande croissante du marché.
Les investisseurs se sont multipliés sur les marchés établis de Francfort, Londres, Amsterdam et Paris − ou « FLAP », tels que plus communément appelés, et les États-Unis.
Comme l’un des « anciens » des datacenters l’indique lors d’une récente table ronde à laquelle j’ai participé (la conférence virtuelle Kickstart Europe 2021, « Emerging Data Center Markets & Investments »), la pandémie a « renforcé » l’infrastructure numérique en tant qu’« investissement de fond ».
La croissance et les investissements ont été et seront alimentés par l’edge computing. D’ici 2022, plus de 50 % des données d’entreprise seront créées et traitées en dehors des datacenters ou du cloud, contre moins de 10 % en 2019, selon le cabinet de recherche Gartner.
L'accaparement de terrains pour la construction de datacenters
La pandémie de Covid-19 a fait exploser la demande en données car nombre d’entre nous ont été contraints de travailler depuis leur domicile, de recourir aux appels vidéo plutôt qu’à des rencontres en présentiel et de consommer une quantité toujours croissante de divertissements diffusés en continu.
Les terrains pour le développement de datacenters sont devenus une denrée très convoitée. Les retards de construction de datacenters l’année dernière en raison de la pandémie ont conduit à une accumulation d’offres et de demandes en souffrance pour le marché des datacenters, − en particulier en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique (EMEA). La nécessité d’un déploiement plus rapide des datacenters stimulera davantage la demande en datacenters modulaires, préfabriqués.
Pour CBRE, une entreprise de services immobiliers commerciaux et d’investissement, 2021 sera une année record en termes d’approvisionnement énergétique dans le secteur des datacenters, avec 400 MW (mégawatts) déjà développés ou prévus de l’être.
Francfort verra l’essentiel de cette croissance en 2021, suivie par Londres et Paris, selon CBRE.
La concurrence s’intensifie et fait augmenter le prix du foncier. Selon CBRE, les développeurs de datacenters sont en concurrence avec les entreprises de logistique concernant l’acquisition de sites offrant un emplacement stratégique, alors que les entreprises de vente au détail tentent de répondre à une hausse de la demande dans le secteur e-retail.
Marchés de datacenters émergents
Quels sont les marchés de datacenters dans la région EMEA qui attireront le plus d’investissements et se développeront le plus rapidement ?
Je ne me risquerai pas à prédire qui, des marchés boursiers ou des pays, seront les gagnants. Je ne suis pas Warren Buffet.
Cependant, plusieurs tendances domineront le marché des investissements des datacenters EMEA pour cette année, et au moins quelques autres sont à venir.
Tendance numéro un : Le marché des datacenters se diversifie
Le marché FLAP demeure le marché dominant mais il est confronté à une concurrence croissante de la part des marchés « émergents » ou secondaires d’Europe de l’Est, dont la Pologne et la Russie, d’Europe du Sud-Est, par exemple la Bulgarie, mais aussi d’Asie, avec le Vietnam et les Philippines.
Dans les pays, de nouveaux marchés de datacenters urbains émergent et se développent rapidement, − notamment à Berlin, Munich, Hambourg et Stockholm. Le succès de ces pôles de datacenters en pleine croissance dépendra de leur latence par rapport à leurs grands concurrents. Il dépendra également du fait de savoir si des connexions de données ultra-rapides et ultra-fiables entre des villes de province peuvent réduire la nécessité de construire de nombreux nouveaux datacenters afin de répondre à la demande croissante.
Datacenters écologiques
Certains investisseurs préfèrent peut-être regarder plus loin que l’Europe occidentale et être parmi les premiers à pénétrer de nouveaux marchés offrant un potentiel intéressant, tel qu’il en existe en Asie et dans certaines parties d’Europe de l’Est. C’est l’une des questions dont j’ai discuté récemment lors de la conférence Kickstart. (Merci à mes homologues, parmi lesquels : Arnoud de Ridder, Directeur associé Infrastructure chez NIBC Bank, Frank de Frémery, qui dirige le cabinet de conseil en datacenter chez AC Nielsen, une société de conseil immobilier, Mark Chester, partenaire spécialisé dans les datacenters chez Eversheds Sutherland, un cabinet d’avocats, et Nigel Clark, cofondateur de Data Stratus.)
Tendance numéro deux : Réglementations environnementales
Les propriétaires de datacenters doivent (à juste titre) se conformer à des réglementations environnementales plus strictes pour les émissions de carbone et les niveaux sonores. Afin de maintenir sa croissance rapide et faire preuve de responsabilité sociale, le secteur des datacenters doit non seulement se conformer aux réglementations établies par les régulateurs nationaux et internationaux, mais également placer la barre plus haut en établissant ses propres normes. Les initiatives volontaires du secteur − telles que le « Climate Neutral Data Centre Pact » (Pacte de neutralité climatique) conclu le mois dernier en Europe entre les fournisseurs d’infrastructure cloud et les opérateurs de datacenters ayant accepté de rendre les datacenters européens climatiquement neutres d’ici 2030 −, constituent une avancée en ce sens.
Tendance numéro trois : Mieux expliquer notre secteur
Expliquer les implications environnementales de la croissance exponentielle de l’infrastructure numérique et la manière dont le secteur des datacenters essaie d’équilibrer la réponse à la demande et la protection de l’environnement constitue la troisième tendance principale. Le secteur des datacenters doit mieux expliquer et cela dans un langage clair, aux consommateurs et aux investisseurs, ce qu’il fait, son bilan environnemental et comment il est devenu une partie essentielle de l’infrastructure quotidienne pour des milliards de personnes.
La question à 100 millions d’euros
Si l’on vous donnait 100 millions d’euros à dépenser cette année dans l’infrastructure numérique, sur quoi se porterait votre investissement ? Il s’agit de la dernière question posée à notre panel lors de la récente conférence Kickstart.
Les réponses sont allées de l’investissement dans les marchés de datacenters secondaires, de Varsovie à Barcelone, en passant par le Nigeria et Lisbonne, à l’infrastructure des stations de base pour le déploiement des réseaux mobiles 5G.
La diversité des prévisions d’investissement est un signe de l’intensité et de la diversité du marché des datacenters EMEA. Les technologies, y compris l’Edge Computing, la 5G et la concurrence croissante entre les villes, les pays et les régions, sont prêtes à faire passer les datacenters sur le devant de la scène et à en faire un élément clé des portefeuilles les plus performants des investisseurs.